Une approche systémique de l'utilisation finale de l'énergie

15 avril 2022 par Bruno De Wachter
Une approche systémique de l'utilisation finale de l'énergie

Résumé

L'optimisation de la consommation d'énergie dans les bâtiments et l'industrie nécessite une approche systémique pour exploiter tout son potentiel. Cette idée gagne du terrain, comme le montre la proposition de la commission ITRE du Parlement européen d'inclure une définition de "l'efficacité des systèmes dans la directive sur l'efficacité énergétique".

Une définition claire et sans ambiguïté de l'efficacité des systèmes est un premier pas important, mais une optimisation au niveau des systèmes peut-elle être réellement mise en pratique ? La cartographie des flux énergétiques est une première étape vers l'optimisation de domaines fonctionnels tels que l'éclairage ou l'air comprimé.

Ces dernières années, des systèmes de surveillance de l'énergie faciles à installer et prêts à l'emploi ont fait leur apparition sur le marché, mais l'utilisation du flux d'énergie par le biais d'une campagne de surveillance n'a guère été réalisée en dehors des grands sites industriels.

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Une approche systémique de l'utilisation finale de l'énergie

L'optimisation de la consommation d'énergie dans les bâtiments et l'industrie nécessite une approche systémique pour exploiter tout son potentiel. Cette idée gagne du terrain, comme le montre la proposition de la commission ITRE du Parlement européen d'inclure une définition de "l'efficacité des systèmes" dans la directive sur l'efficacité énergétique. La définition qui a été proposée initialement est un bon point de départ pour une réflexion sur ce sujet.

 

Le concept d'une approche systémique de l'efficacité énergétique n'est pas nouveau, mais il était jusqu'à récemment largement négligé par les régulateurs de l'UE, probablement parce qu'il implique diverses complexités réglementaires. L'une des difficultés consiste à formuler une définition claire et sans ambiguïté de ce que signifie réellement une telle approche. Dans son projet de rapport sur la proposition de refonte de la directive EED, la commission ITRE du Parlement européen définit l'"efficacité du système" comme la sélection de solutions efficaces sur le plan énergétique lorsqu'elles permettent également une décarbonisation rentable, une flexibilité supplémentaire et une utilisation efficace des ressources.[1].

Cette définition reconnaît à juste titre l'existence d'objectifs politiques multiples qui risquent de créer des conflits d'intérêts, par exemple entre l'efficacité énergétique et l'efficacité des ressources. Pour s'assurer que l'équilibre idéal entre ces différents objectifs est recherché, l'optimisation doit être réalisée simultanément pour tous ces objectifs et au niveau de l'ensemble du système utilisant l'énergie.

 

L'efficacité des entités fonctionnelles

L'utilisation du mot "solution" suggère que ce n'est pas l'équipement lui-même qui doit être la finalité des mesures d'efficacité énergétique, mais la fourniture de services particuliers, tels que le chauffage et le refroidissement des locaux, l'éclairage ou le mouvement industriel, pour n'en citer que quelques-uns. Il serait plus précis de les définir comme des entités fonctionnelles, qui comprennent alors tous les composants du côté consommation des compteurs des services publics qui sont nécessaires pour fournir un service ou une fonction particulière. Une telle définition inclut explicitement les circuits électriques et les réseaux de tubes situés entre le compteur électrique et l'utilisation finale de l'énergie, qui risquent sinon de passer entre les mailles du filet de toute réglementation.

Les câbles électriques, en particulier, recèlent un potentiel caché d'économies d'énergie. La section de câble la plus économique est souvent plus du double du minimum obligatoire. Le dimensionnement des câbles est difficile à réglementer par une approche orientée produit telle que l'écoconception, car la section optimale du câble dépend de la charge. Sur le plan énergétique, le circuit électrique fait intrinsèquement partie de l'installation qu'il alimente. L'optimisation doit donc se faire au niveau du système fonctionnel, qu'il s'agisse d'une station de recharge pour véhicules électriques, d'un système de pompe à chaleur ou d'une installation photovoltaïque en toiture. Dans les bâtiments non résidentiels en particulier, le potentiel d'économies d'énergie lié au dimensionnement économique des câbles est considérable.

Lorsque l'optimisation est recherchée au niveau des entités fonctionnelles, la manière dont les composants consommateurs d'énergie sont combinés, contrôlés et exploités fait partie intégrante de l'équation. L'un des principaux avantages d'une telle approche est qu'elle permet de lutter contre le sur ou le sous-dimensionnement des équipements, qui est une cause fréquente de pertes d'énergie et qui n'est pas couvert par la réglementation sur l'écoconception des équipements. L'optimisation au niveau des entités fonctionnelles révélera également les possibilités de récupérer les pertes de chaleur, par exemple en leur faisant préchauffer les flux d'eau entrants. Enfin, elle permettra d'optimiser l'automatisation et le contrôle en fonction des conditions d'exploitation particulières de chaque site.

 

Figure 1 - La réduction de l'intensité énergétique obtenue uniquement par des audits énergétiques réguliers, comparée à la réduction obtenue en intégrant ces audits dans un système de gestion de l'énergie (Anton Barckhausen, Juliane Becker, Peter Malodobry, Nathanael Harfst, Ulrich Nissen, Energiemanagementsystem in der Praxis, Umwelt Bundesambt, 2019).

 

L'évaluation de l'efficacité énergétique et des coûts d'une entité fonctionnelle doit se faire indépendamment de la source d'énergie ou de la technologie utilisée, en utilisant l'utilisation de l'énergie primaire comme critère neutre sur le plan technologique. Ainsi, le gain potentiel lié au passage à une autre technologie ou source d'énergie sera pris en compte.

Une autre question soulevée par la définition ITRE est la signification exacte du terme "rentable". Il serait bienvenu de préciser qu'il s'agit de l'efficacité du coût du cycle de vie des mesures étudiées. Bien que le coût total de possession (TCO) et le coût du cycle de vie (LCC) soient des outils de décision courants, leur utilisation est encore loin d'être systématique. Le simple délai de récupération (PBT) est un critère d'investissement plus répandu, mais il présente l'inconvénient d'ignorer toute économie après le remboursement intégral de l'investissement. Des incitations réglementaires pourraient contribuer à faire évoluer les pratiques vers le TCO et le LCC.

 

De la mesure à la prise de décision

Une définition claire et sans ambiguïté de l'efficacité des systèmes est une première étape importante, mais une optimisation au niveau des systèmes peut-elle être réellement mise en pratique ? L'un des défis de l'approche systémique est la connaissance qu'elle nécessite des flux énergétiques d'une organisation.

 

Figure 2 - La cartographie des flux énergétiques est une première étape vers l'optimisation de domaines fonctionnels tels que l'éclairage ou l'air comprimé (Auteur : Jinho Jung, sous licence Creative Commons CC BY-NC-SA 2.0).

 

Par le passé, la cartographie des flux d'énergie par le biais d'une campagne de surveillance était rarement réalisée en dehors des grands sites industriels, mais ces dernières années, des systèmes de surveillance de l'énergie faciles à installer et prêts à l'emploi ont fait leur apparition sur le marché, rendant la collecte et l'agrégation des données accessibles aux petites organisations. Les incitations gouvernementales qui stimulent l'installation de ces systèmes pourraient constituer un levier important d'une approche systémique de l'efficacité énergétique et de la décarbonisation.

Une fois que les résultats de mesure et de contrôle affluent, la nécessité de les traiter conduira naturellement à une certaine forme de gestion de l'énergie. Structurer et formaliser cette gestion est l'étape clé suivante pour combler le fossé entre les produits et les systèmes et surmonter les incitations partagées entre le coût d'achat et les coûts d'exploitation. La gestion formalisée de l'énergie est de plus en plus adoptée dans les grands établissements industriels grâce au format ISO 50001, mais elle est pratiquement inexistante dans les petites et moyennes entreprises (PME). Une norme de "gestion de l'énergie allégée" adaptée aux PME, idéalement associée à des incitations réglementaires, constituerait un stimulant bienvenu.

 

Une définition complète

Avec les évolutions technologiques qui rendent la surveillance de l'énergie plus largement accessible, le moment est venu d'introduire l'approche systémique dans la directive sur l'efficacité énergétique. Compte tenu de tous les arguments formulés ci-dessus, la définition suivante pourrait être plus précise : "efficacité du système" : l'efficacité d'une entité fonctionnelle, y compris tous ses composants situés du côté de la consommation des compteurs des services publics, y compris la manière dont ces composants sont combinés et exploités, évaluée sur l'ensemble du cycle de vie du système et indépendamment de la source d'énergie ou de la technologie, permettant une voie de décarbonisation rentable, une flexibilité supplémentaire et l'utilisation efficace de l'énergie et des ressources.

 

Une discussion plus détaillée peut être trouvée dans le livre blanc "A systems approach to energy end-use".Une approche systémique de la consommation finale d'énergie'.

 

 

[1] EP ITRE Draft report on Energy Efficiency Directive (22/02/2022) (2021/0203(COD)). Lien : PR_COD_1recastingam (europa.eu)


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